Retour sur mon départ d'Haïti ...
C’est le printemps ! Pierre est arrivé à
Paris, il atterrira tout à l’heure à Toulouse.
Je suis arrivée depuis plus de 5 semaines et je
n’ai pas eu le temps (l’envie ?) d’écrire … Beaucoup de choses se sont
bousculées dans ma tête au moment de quitter Haïti et ces quelques semaines
m’ont permis de prendre un petit peu de recul …
Aujourd’hui j’ai envie de dire merci, avec beaucoup de retard, à tous ceux qui
ont été là pour moi lors de ce départ …
Allons-y !
Merci Madame Calèbe, « ma maman de
Jacmel », pour les derniers moments passés ensemble. Je n’oublierai jamais
ton sourire, ta joie et tes rires lorsque tu as pris ton premier bain de
mer ! A 56 ans, il n’est jamais trop tard … Merci pour la jupe offerte et
pour laquelle tu as dû sacrifier une partie de ton modeste salaire :
encore une fois tu me montres qu’il ne suffit pas « d’avoir » pour
savoir donner … Merci pour ton discours, franc, riche et sincère. Toi qui ne
pensais pas « que des blancs puissent t’aimer », saches que nous
t’aimons très très fort … et promis nous « enverrons notre petit par
Internet »
Merci mes chers collègues
… pour la journée popotte (et oui, c’est ça aussi
« l’interculturalité » dont on parle tant à l’AFVP …) : vous qui
ne semblez aimer que le « ri ak pwa », vous avez ouvert grand les
yeux et nous avons concocté ensemble un bon pain, une délicieuse pizza et une
tarte à l’oignon.
… pour la fête de départ et les cadeaux que vous
m’avez offerts. Certains d’entre vous sont fans des objets « made in china »
mais vous avez saisi que les souvenirs « made in Haïti » me faisaient
plus plaisir (et je vous en remercie !)
…pour les dernières visites, les derniers discours
… ce créole qui m’est si cher, raisonne encore dans ma tête. M pa pral janm
bliye nou.
… pour cette collaboration de plusieurs mois, pour
le travail accompli ensemble, les soucis partagés, les discussions animées …
Merci nos chers voisins … pour tous ces bons petits plats. Nous nous sommes sentis chez nous et entourés. Les dernières « fritay » (sardines frites, bananes plantains frites et accras) étaient un régal. Merci pour la simplicité avec laquelle vous nous avez tant donné.
Merci à tous ceux (VP et autres) qui sont venus en avant-première au Carnaval de Jacmel, pour fêter mon départ à la maison : merci pour votre soutien « européen » dans les moments difficiles, pour les délires et les débats partagés … Merci à tous pour vos cadeaux, un clin d’œil tout spécial à l’équipe « Haïti popotte » : merci les filles. Merci au trois géants des Hauts de Ti Mouillage : les moments passés chez vous étaient toujours plein d’amitié, belle vie à votre projet « écotouristique » ! Merci à mes deux gardes du corps préférés : grâce à vous j’ai pu braver la foule et participer à cet événement hors du commun qu’est le carnaval ! Il paraît qu’in utero, les bébés enregistrent les musiques entendues : là pas de doute il a pu s’imprégner du « bruit » haïtien !!! Merci à nos amis hispano-italiens pour l’accueil bien chaleureux à Pétionville la veille du départ : j’ai pu prendre ma deuxième douche chaude en Haïti !
Merci à tous les autres que je n’oublie pas … aux « au
revoir » improvisés sur la route entre Jacmel et PAP, puis sur le trajet
de l’aéroport …
Merci au gynécologue de Pétionville, le suivi a
été génial et vivre les 7 premiers mois de la grossesse en Haïti ont été une
expérience forte : je ne regrette rien !
J’ai eu le sentiment d’étouffer en montant dans
l’avion à Port-au-Prince … l’envie de prendre une dernière bouffée de cet air
pollué et lourd … Les larmes aux yeux, c’est avec joie que j’ai papoté avec mon
voisin, en créole bien entendu …
Le vrai « choc » je l’ai ressenti en
Guadeloupe … Premier contact avec la civilisation occidentale : « ça
y est me voilà de retour parmi les fous » (c’était vraiment ma pensée sur
le moment …) Au moment du contrôle des bagages, l’hôtesse me demande de vider
mon sac à main. Je m’exécute. J’avais pris soin de mettre quelques effets
personnels dans un ziploc (isotherme donc opaque). La dame me regarde et dit
d’un ton cassant : « tout ça : poubelle ». En vain j’essaie
d’expliquer que je n’ai pas trouvé de ziplocs transparents en Haïti (si, si, il
y en a, m’assure-t-elle). Je demande s’il n’y a pas la possibilité d’en
acheter ? Non ! Il fallait prévoir. Et bien : poubelle. Rien de
grave, seulement un tube de crème, un rouge à lèvres et un liquide pour se
laver les mains sans eau), mais le ton est donné et les larmes me montent aux
yeux : je ne suis plus en Haïti … Pour couronner le tout, elle me fait
également jeter une bouteille d’eau à moitié pleine (gentiment offerte par le
personnel lors du trajet PAP-Pointe à Pitre). J’ai beau argumenté que je suis
enceinte de 7 mois (ça se voit, non ?) et que je vais boire ce qu’il reste
avant d’embarquer, elle ne cède pas et me dit qu’il y a des bouteilles à vendre
un peu partout ! J’éclate en sanglots … dans la salle d’embarquement …
imaginez le spectacle … Le tout, au milieu des touristes bronzés et
« raaaaviiiiiiis » de leur séjour en Guadeloupe pendant les vacances
de février (« D’autant que cette année, le ski c’était pas le bon plan …
qu’est ce qu’on a bien fait d’aller bronzer sous les cocotiers … mais t’as vu
la fille là-bas, elle n’a pas l’air bien ?… Mais elle chialle !
J’hallucine elle est enceinte d’au moins 8 mois … Elle a dû se faire larguer
par son copain … T’as vu comment elle est habillée en plus ? »)
Passons … Une fois dans l’avion je m’aperçois que ma place est à l’hublot alors
que j’avais demandé le couloir (et oui, enceinte on passe plus de temps au
petit coin, figurez-vous !). Qu’à cela ne tienne, je m’adresse poliment au
couple de touristes qui prennent place à côté de moi pour changer de
place : « Ah non, nous on prend pas le hublot » …. Ok, c’est pas
ton jour ma fille, et je colle ma joue humide contre le hublot … Finalement
l’hôtesse de l’air me trouve une place côté couloir, à côté d’un couple
d’haïtiens relativement âgés. La conversation s’amorce (en créole bien sûr) et
je me sens revivre ! Ils se rendent à paris pour la première fois de leur
vie, voir leurs enfants … Quand au moment du repas, l’hôtesse demande « Désirez
vous du poulet ou du colin ? » et que mes voisins restent de marbre,
un sourire jusqu’aux oreilles, je traduits « Ou vle poule ou byen pwason ? »
J’avertis aussi ma voisine que la petite dosette de vinaigrette en guise de
désert c’est peut être pas une bonne idée … et je les installe devant un film muet
(ils ne veulent pas mettre les écouteurs) ! Bref je retrouve le sourire !!!
Je vais m’arrêter là sur ces quelques lignes … Toujours est-il que j’ai ensuite retrouvé ma famille avec plaisir et après 2 jours passés à Toulouse, j’étais déjà dans le Cantal pour participer à la « mongoune » (la transformation du cochon) … Depuis j’ai également passé une semaine à Paris (stage « Bilan et Perspectives » avec l’AFVP) … Cool de revoir Louis-Marie et de partager les expériences avec une dizaine d’autres volontaires … Mais ça ce sera pour une autre fois … Aujourd’hui j’en ai trop dit … Je pars chercher Pierre à l’aéroport !
Les photos sont en ligne :
Bises à tous,
Amitiés
Claire